s. f. Partie dure que plusieurs animaux ont à la teste & aux pieds. Les boeufs ont deux cornes qui leur sortent de la teste, avec lesquelles on les attache au joug. Les chevres, les boucs, les vaches ont des cornes. Les rhinoceros, les licornes n'ont qu'une corne. On tient qu'il n'y a que les seules bestes à pied fourché qui ayent des cornes. Le bubale a les cornes tournées en rond l'une vers l'autre. Le daim des Anciens les a crochuës en devant, & le chamois en arriere. Les beliers les ont tournées en ligne spirale. Ce mot vient du Latin cornu. On appelle un trouppeau de bestes à corne, un trouppeau de boeufs, de vaches, ou de chevres seulement.

On fait plusieurs ouvrages de corne, comme des peignes, des lanternes, des demi-cercles divisez, &c. des chapelets de corne de bufle.

CORNE DE CERF, signifie chez les Ouvriers, ce qui s'appelle le bois du cerf chez les Chasseurs. On fait des manches de cousteau de corne de cerf. La raclure de corne de cerf est astringente. La gelée de poisson se fait avec la raclure de corne de cerf, qui ne se digere point, car on la rend comme on l'a prise. Il y a aussi une petite herbe qu'on mange en salade, qu'on appelle corne de cerf, en Latin coronopus, pes milvi. Cette herbe est longuette, se traisnant par terre, ayant des feuilles longues, estroites & pointuës en forme de cornes, de rayons ou d'estoiles sortant de sa tige : ce qui fait que les Italiens l'appellent herba stella. Il y en a aussi une sauvage que quelques-uns appellent serpentine, parce qu'elle guerit la morsure des serpents.

CORNE, en termes de Chasse, signifie la teste du chevreuil.

CORNE, se dit aussi des petites pointes qui sortent de la teste d'un limaçon & d'autres semblables bestes. Les petits enfants prennent plaisir à chanter aux limaçons, Colimaçon borgne, monstre moy tes cornes.

Les ducs espece de chathuants ont aussi de petites touffes de plumes sur la teste qui leur tiennent lieu de cornes.

CORNE, en termes de Manege, est un ongle dur & espais d'un doigt qui regne autour du sabot du cheval, & qui environne la sole & le petit pied : c'est là où on broche les cloux quand on le ferre. On met du surpoint à la corne du pied des chevaux, quand elle est seche ou usée. On le dit aussi de la partie dure des pieds de plusieurs autres animaux, comme mulets, asnes, ellends, &c.

On dit aussi, Donner un coup de corne à un cheval, pour dire, le saigner au milieu du 3. ou 4. cran ou sillon de la maschoire superieure : ce qu'on fait avec une corne de cerf, dont le bout est fort affilé & pointu.

Les Medecins, & Diocles le premier, ont appellé cornes, les deux extremitez du corps ou du fond de la matrice, parce qu'elles ressemblent aux cornes naissantes d'un mouton. Elles sont plus apparentes aux bestes qu'aux femmes.

CORNE DE BELIER, se dit en Architecture des volutes qui servent d'ornement aux chapiteaux des Ordres Ionique & Composite. On appelle aussi cornes d'un chapiteau, les quatre coins du tailloir.

CORNE D'ABONDANCE, en termes de Poësie, est une corne d'où sortoient toutes choses qu'on pouvoit souhaiter, par un privilege que Jupiter donna à sa nourrice, qu'on a feint avoir été une chevre ou Amalthée. Le vray de cette fable est qu'il y a un terroir en Libye en figure de corne de boeuf, fort fertile en vins & fruits exquis, qui fut donné par le Roy Ammon à sa fille Amalthée, que les Poëtes ont feint avoir été nourrice de Jupiter.

On appelle cornes d'abondance, celles d'un mary dont la femme est entretenuë par un riche galant, qui fait beaucoup de bien à la famille.

CORNE, en termes de Fortification, est un dehors fort étendu & advancé pour couvrir une courtine ou un bastion. Il est fait de deux flancs deffendus de la place à la portée du mousquet. Sa teste est fortifiée d'une tenaille ou de deux demi-bastions joints par une courtine. Les costez sont ordinairement paralleles. Il y en a pourtant qui sont plus serrez vers la place, qu'on appelle à queuë d'aronde ; d'autres plus étendus, qu'on appelle à contrequeuë d'aronde, selon qu'on veut couvrir un plus grand ou un moindre endroit de la place. Quand les côtez sont trop longs, on y fait quelquefois des épaulements pour les flanquer.

CORNE, signifie aussi, Ce qui est angulaire & pointu. Dans le Rituel on distingue la corne droite de l'autel, de la senestre. On dit aussi, les cornes du Croissant, quand la nouvelle Lune commence à paroistre. Un bonnet à cornes, celuy que les Prestres & les Docteurs portent en signe de Clericature ou de leurs degrez. Les Procureurs & les Huissiers ont aussi usurpé cette marque d'honneur. La corne d'un eschaudé, d'une talmouse, se dit aussi d'une des pointes d'un eschaudé, d'un pain, qui ont une figure pointuë.

CORNE, en termes de l'Ecriture, signifie, Honneur, gloire, exaltation. Moyse est souvent peint avec des cornes, qui étoient des rayons de lumiere qui parurent sur sa teste en descendant de la montagne de Sinaï. On dit presque en ce sens, qu'un homme leve maintenant les cornes, qu'il commence à montrer les cornes, quand il revient en honneur, en credit, en autorité, aprés avoir essuyé quelque mauvaise fortune.

CORNE, se dit en un sens tout contraire, pour marquer une honte ou quelque infamie. Tout le monde le montre au doigt, luy fait les cornes. Et c'est en ce sens qu'on dit qu'on plante les cornes à un homme, quand on le deshonore par le moyen de sa femme qu'on suborne, quand on le fait cocu.

CORNE, en termes de Blason, se dit d'une espece de bonnet pointu qui est rouge & bordé d'or, que porte le Doge de Venise pour marque de sa dignité. En ce sens il est masculin, & on dit le corne.

CORNE, se dit proverbialement en ces phrases. On dit d'un homme surpris de quelque nouvelle, de quelque accident extraordinaire, qu'il est aussi étonné que si les les cornes luy venoient à la teste. On dit d'un homme qui a mal entendu, qu'il entend de corne, qu'il a mangé de la vache. On dit d'une viande qui est dure, que c'est de la corne, qu'elle est dure comme de la corne. On dit qu'on prend les hommes par les paroles, & les bestes par les cornes. On dit aussi d'un goulu qui mange viste, qu'il n'a pas besoin qu'on luy donne un coup de corne pour luy donner de l'appetit. On dit d'un Satyrique qui a donné quelque trait picquant à quelqu'un, qu'il luy a donné un coup de corne.